mercredi 29 mai 2013

Publié sur Facebook le 20 mai 2013


https://www.facebook.com/jeremie.grandsenne/posts/10151570347656878




Bon, alors. Je sais bien qu'on s'en fout. Je sais aussi que je ferais mieux de faire autre chose que d'écrire à ce sujet, le temps est précieux. Mais, c'est dommage de tout confondre. Aujourd'hui, c'est la journée du nu pour lutter contre la "censure" sur Facebook. Oui. Alors bien sûr. Mais, contrairement à ce que beaucoup de gens se sont mis à croire, Facebook, ça n'est pas : la vie. Ça n'est pas : le monde. Ça n'est pas : l'espace public. Même si c'est gratuit. Et même si "tout le monde" y est.

Ça n'est pas censé être libre, ou beau, ou fraternel, ou égalitaire, ou quoi que ce soit. Facebook, c'est : une entreprise. Une entreprise privée. Nous sommes ici dans une entreprise, dans un lieu privé, comme si on était dans un magasin, dans une boutique, dans un restaurant. Nous utilisons les services d'une compagnie. Ça veut dire d'une part que rien ne nous y force, d'autre part ça veut dire que si Facebook a envie d'interdire la moindre image mettant en scène le moindre bout de peau, ils ont le droit. Parce qu'on est chez eux. Pas chez nous. Et s'ils ont envie d'interdire le vert, l'emploi du mot "lapins", d'interdire les mentions de Michael Jackson, ou d'obliger tous les profils à indiquer la pointure de chaussure de leur propriétaire sous peine de radiation, c'est complètement con, mais ils ont le droit.

Donc il ne s'agit pas de dire que c'est "bien" que Facebook, via des robots pas très intelligents, interdise la nudité même à caractère artistique. Il s'agit  encore moins de dire que Facebook c'est "bien". Et il ne s'agit somme toute aucunement de "défendre" Facebook.
Il s'agit simplement de dire que ce n'est pas de la "censure", et que la "censure", c'est autre chose.


Et que lutter contre ces interdictions en leur donnant le nom inapproprié de "censure", c'est croire qu'on est ici dans la vie, dans le monde, et c'est accepter de confondre une compagnie privée, Facebook, avec le monde et avec la vie.


La censure, c'est la limitation de la liberté d'expression, là où la liberté d'expression devrait ne pas être limitée, ou l'être moins, c'est-à-dire, dans l'espace de la Cité, là où les citoyens s'expriment, et vivent.
Mais ici nous ne sommes pas citoyens : nous ne sommes pas ici en tant que citoyens, nous sommes ici en tant qu'utilisateurs d'un service privé. Comme si on était chez le coiffeur, un grand salon de coiffure où tout le monde vient se retrouver, et dont le patron a décidé qu'on ne fumait pas chez lui, qu'on ne venait pas en jupe, qu'on portait le chapeau. Oui mais moi je n'aime pas porter un chapeau ? Eh bien c'est parfait, tu ne viens pas c'est tout. Ça n'a absolument rien à voir avec ce que seraient ces mêmes règles dans l'espace public : là, ça deviendrait de la dictature, parce que contrairement au salon de coiffure, on ne peut pas sortir de l'espace public, et si l'espace public est un espace sans liberté, il n'y a pas un "autre espace" qui sert de refuge à la liberté : c'est ça, ou rien.


Mais ici c'est différent. On n'est pas dans la rue, ou chez soi. On est chez Facebook exactement comme chez Starbucks ou sur Ebay. Et ses règles ne peuvent pas être confondues avec ce qu'est la censure. La censure empêche les gens de vivre, les met en prison, interdit aux choses d'être dites. Ici, nous utilisons les services d'une entreprise, et cette entreprise a décidé d'avoir ces règles-là. On n'est pas obligé de les aimer, personnellement je pense pouvoir dire qu'elles m'indiffèrent absolument, même si je comprends bien qu'elles sont mal pratiques pour des artistes ou des lieux qui ne peuvent pas faire leur promotion. Mais la notion de promotion est-elle vraiment ce dont on parle quand on parle de "censure" ? La liberté fondamentale remise en cause par la "censure", est-elle vraiment la fameuse inaliénable "liberté de faire sa promo", ou de poster des peintures du Titien ? Oui, moi aussi j'aime beaucoup le Titien. Mais si je ne peux pas le montrer ici, c'est dommage, oui, mais on peut toujours le voir ailleurs.


Et si l'on veut se battre pour des choses, si l'on veut lutter contre la censure, si l'on veut lutter contre l'écrasement des libertés, si l'on veut lutter contre la force du mensonge, si l'on veut lutter pour faire apparaître la vérité là où d'autres veulent la faire taire, il me semble - je peux me tromper, mais il me semble, qu'il y a des champs de bataille plus appropriés.






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