lundi 4 janvier 2010

Titien, Véronèse, Tintoret, Bassaro


Aujourd'hui était le dernier jour de l'exposition au Louvre qui réunissait Titien, Véronèse, Tintoret et Bassaro, sous le titre Rivalités à Venise : Titien était le vieux maître, Véronèse son petit chouchou, Tintoret le rebelle qui veut réussir, et Bassaro, je ne sais plus bien, mais m'a fait l'impression d'une sorte de dernier de la classe qui a le mérite de sa folie et l'affirme avec une insistance qui s'apparente beaucoup à du courage.
L'exposition commence au moment au Véronèse apparaît sur la scène de "l'art contemporain" vénétien, c'est-à-dire 1540, alors que Tintoret est un jeune artiste montant et que Titien, qui a 50 ans et une œuvre déjà considérable derrière lui, s'apprête à continuer encore 35 ans.

Titien, c'est quand même le prince des chats.



Comme certaines personnes, ses peintures produisent de la lumière.



Portrait de Ranuccio Farnese
, 1542
Vénus au miroir, vers 1555


Puis j'ai appris que Bassaro avait fondé le genre animalier et peint le premier portrait de chiens :


Le tableau, Deux chiens de chasse liés à une souche, 1548-1549, est assez extraordinaire.
(On s'en aperçoit mieux en cliquant sur l'image.)
Le cartel indique que c'est le premier tableau de l'histoire de la peinture moderne occidentale dans lequel des animaux sont l'unique sujet d'une œuvre.

Il est touchant de songer que Bassaro serait donc l'espèce de Dieu le père qui aura permis à Pierre La Police, quatre siècles et demi plus tard, de réaliser cette merveille :




Un peu plus tôt dans l'exposition, le cartel des Pèlerins d'Emmaüs de Titien, peints vers 1533 - 1534, expliquait que le combat du chien et du chat - sous la table - symbolise la lutte du bien et du mal :


Il y a fort à supposer que le chat est du côté du mal, ce qui est bien dommage.



Enfin vient comme d'un rêve un incroyable tableau de Véronèse, de 1580-1585, Cupidon avec deux chiens :


On dirait, particulièrement celui qui est à droite sur la peinture, à la gauche de Cupidon, des hommes blancs déguisés en nègres dans l'imagerie colonialiste française.
Même son corps semble prêt à se relever avec ce masque noir au haut de sa colonne vertébrale.
Les omoplates sont prêts : encore quelques instants d'effort et ils seront totalement humains ; alors terriblement, cette gueule sera un visage.
Et l'on ne pensera plus, de cette gueule, qu'elle est "avant l'humain", en quelque sorte première sur l'échelle d'une évolution : au contraire on croira voir le visage qui, après des catastrophes indevinables, aurait basculé, dépassé l'humain, tombé comme de l'autre côté de la falaise : l'humanité en lui détruite, resterait ce visage obscur, stupide, cette face handicapée, ces yeux qui ne savent plus, ni dehors ni dedans, rien fixer, cette bouche qu'un hébètement irrémédiable entr'ouvre.






Ce qui est terrible avec la peinture, c'est l'arbitraire du moment où l'on détache son regard.



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